Histoires

Il meurt pour une tête de porc !

Voici l’histoire de papa NGANTCHI décédé dans des conditions mystérieuses, à cause, selon l’opinion populaire d’une tête de porc et du non respect des traditions. Notre histoire se déroule à Bati, un village Bamiléké dans la région de l’Ouest du Cameroun. Cette histoire nous a été rapporté par des témoins oculaires des faits. Si le village cité est bien celui des faits, les noms des personnes concernées et les lieux exacts des événements ont été masqués ou modifiés afin de respecter leur vie privée. Toute ressemblance avec des faits ou personnes connues ne serait que pure coïncidence.

Papa NGANTCHI âgé de la cinquantaine était un vaillant commerçant qui, à cause du coût élevé de la vie en ville, s’est retrouvé dans son village natal où il pratiquait l’agriculture de subsistance. En février, il s’est rendu aux funérailles du père de TAGNE, son ami d’enfance. Tous deux appartenaient au même clan d’âge que l’on appelle communément « Mandjong ».

Le Mandjong est un clan d’âge. Il s’agit d’un regroupement des personnes d’une même génération. Toutes les personnes nées dans un intervalle de cinq ans peuvent faire partie du même Mandjong. L’objectif majeur du Mandjong est de rassembler des personnes d’une même génération en vue de promouvoir les valeurs d’entraide et de solidarité au sein de la communauté culturelle. Il est régie par des règles internes et une cérémonie simple mais importante. Pour être membre d’un Mandjong il faut appartenir au village, et appartenir à la tranche d’âge du Mandjong en question, et surtout avoir subi le rituel d’admission. Les autres membres de la communauté n’ont pas le droit d’assister aux réunions du Mandjong sans y être conviés. Dans certaines régions, seuls les hommes sont admis. Si on appartient à la tranche d’âge d’un Mandjong, on peut être admis aux réunions, mais on n’y est pas considéré véritablement comme membre, avant d’avoir fait la cérémonie d’admission.

Pa‘a NGANTCHI avait tenu à assister son ami dans les préparatifs. C’est ainsi qu’il a pris sur lui de faire le
repas du « mandjong » généralement constitué d’une marmite de plantain accompagné de la viande de porc. Chose que certains membres du clan n’avaient pas approuvé, pour la simple raison que Pa’a NGANTCHI n’avait pas qualité à le faire. Ce dernier n’avait pas d’après eux, rempli les formalités requises à savoir “nourrir” (donner à manger) le mandjong comme cela se fait.

Malgré les différentes oppositions, papa NGANTCHI s’est entêté et les autres ont laissé faire les choses. C’est ainsi qu’accompagné de certains membres du clan, papa NGANTCHI a pris sur lui d’égorger les porcs, puis procéder à leur cuisson. Après les différentes cérémonies culturelles, place aux réjouissances; papa NGANTCHI ainsi que les membres du « mandjong » se sont retrouvés dans leur case sécrète pour partager le repas. Après les festivités, notre protagoniste est retourné chez lui muni de sa gibecière contenant une tête de porc et quelques bouteilles de vin. Le lendemain matin, papa NGANTCHI qui avait l’habitude de se lever très tôt pour se rendre à la vigne avec son neveu ne s’est pas du tout réveillé.

Revenu de la vigne tout seul, le neveu avait remarqué la porte de la case encore fermée, chose très étrange. Inquiet, il a alerté ses autres frères de la concession qui ont tout de suite défoncé la porte de ladite case. Ils découvrirent papa NGANTCHI inerte sur son lit, sa gibecière à son chevet. Il n’était plus de ce monde. D’aucuns ont pensé à une intoxication alimentaire. D’autres par contre ont affirmé que papa NGANTCHI avait violé les règles du «mandjong». D’après eux, il ne devait pas consommer la viande de porc sans avoir nourri les membres du clan d’âge, et , plus grave, encore moins emporter la tête de porc chez lui, sans avoir subi une initiation préalable! Le contenu de sa gibecière le prouvant car la viande était déjà en état de décomposition.

Quelques jours plus tard, papa NGANTCHI fut enterré auprès de ses parents.

Dans les sociétés traditionnelles africaines, le respect des règles communautaires peut parfois être une question de vie ou de mort.

Par Mariane LENGUIONG

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